Fureur et mystère
Un seule-en-scène sur des poèmes de René Char
Un seule-en-scène d’après Fureur et mystère de René Char, © Éditions Gallimard
Texte : René Char, extraits du recueil Fureur et mystère
Musique : œuvres de Mozart, Schubert, Janáček, Ohana, Hersant
Sarah Lavaud-Petroff, piano, récit, conception globale
« Nous n’appartenons à personne sinon au point d’or de cette lampe inconnue de nous, inaccessible à nous qui tient éveillés le courage et le silence. »
(René Char, Feuillets d’Hypnos)
« (…) soudain l’allégro, défi de ce rebut sacré, perce et reflue vers les vivants, vers la totalité des hommes et des femmes en deuil de patrie intérieure qui, errant pour n’être pas semblables, vont à travers Mozart s’éprouver en secret. »
(René Char, Débris mortels et Mozart)
« Fureur et mystère » : titre du recueil d’où sont extraits les textes du présent seule-en-scène, et incipit d’un des poèmes de ce recueil, ces trois mots donnent en outre merveilleusement le ton et la couleur de la poésie de René Char, dont le mélange de puissance et d’obscurité fascine.
La quête qui y est exprimée, l’exigence et la ténacité qui en émanent, le souffle âpre qui l’anime, les mouvements cataclysmiques, vacillements, spasmes, interrogations ardentes, lumières crues qui la traversent, nous entraînent dans un parcours riche et ardu qui peut prendre une tournure initiatique. C’est précisément dans une telle orientation que Sarah Lavaud-Petroff a conçu ce spectacle ; elle y porte, fidèle à sa pratique d’une théâtralité ouverte et allusive, la trajectoire d’un poète-musicien d’abord jeune qui s’engage avec ardeur dans l’exercice de son art, et chemine, aiguillé dans sa nuit par une lanterne mystérieuse, de l’ébranlement de ses certitudes premières vers la lente éclosion d’une maturité plus clairvoyante.
La musique est mouvement qui précède et engendre sa parole, flux de sa pensée, prolongement de ses désirs, écho de ses doutes, décor de ses rêves, révélateur de ses élans profonds… Et telle une référence intemporelle, le thème lumineux d’un Adagio de Mozart surgit à intervalles réguliers ; il accompagne le poète dans sa quête, lui donne la mesure de son avancée, vient l’interpeller dans ses affres – l’invitant à se confronter à son inexprimable grâce, à « s’éprouver » à travers elle.
Ce parcours initiatique, cette quête de lumière, peuvent trouver un écho en chacun de nous, qu’il soit ou non poète ou musicien. Colosse lucide, en quête d’un monde meilleur où la grandeur de l’homme triompherait de sa part de nuit, René Char nous montre la route vers la lumière en créant une langue neuve, d’une force hors du commun ; et en nos temps troublés, réécouter cette parole qui stimule notre volonté et notre courage, suivre le poète dans son invitation vigoureuse, inlassable, à reprendre contact avec notre pouvoir de création, devient une absolue nécessité.
Éléments de décor :
Une lanterne, création d’Anaëlle Pann, maître verrier.
Une côte de baleine, ramassée sur une plage de Patagonie.